samedi 24 avril 2010

Le Nouvel Hollywood

La fin des années 60 fut marquée aux Etats-Unis, comme dans de nombreux pays, par une véritable révolution culturelle que l'on a appelé contre-culture. A Hollywood, une nouvelle génération de cinéastes prit le pouvoir mais elle fut bien incapable de le conserver. Le livre Le Nouvel Hollywood, qui s'appuie sur de nombreux témoignages, retrace avec précision l'histoire passionnante de cette révolution manquée.

A la fin des sixties, Hollywood ressemblait toujours à ce qu'il était vingt ans plus tôt. L'industrie cinématographique américaine était dirigée par les mêmes hommes, de vieux nababs, qui ne produisaient que des divertissements désuets, mis en scène par des réalisateurs dociles et disciplinés. Les productions de l'époque étaient si éloignées des préoccupations des jeunes américains que le public commençait à déserter les salles de cinéma, d'autant que la télévision se développait à grand pas. Cela peut sembler incroyable de nos jours mais à cette époque, Hollywood était au bord du krach et menaçait de disparaître. Les studios américains furent sauvés par le succès sans précédent de films à petit budget réalisés par de jeunes réalisateurs inexpérimentés. Ces réalisateurs tournèrent des films personnels en employant un nouveau langage cinématographique venu de la nouvelle vague et en imposant une nouvelle génération de stars (Al Pacino, Jack Nicholson, Robert De Niro, Dustin Hoffman, Gene Hackman, Richard Dreyfuss, Jane Fonda, Faye Dunaway...). Ils voulaient révéler la réalité de leur pays et de leur époque et faire des films qui leur ressemblaient. Ils se nommaient Mike Nichols, Warren Beatty, Francis Ford Coppola, Dennis Hopper, William Friedkin, Robert Altman...

Les studios américains qui avaient un besoin urgent d'argent confièrent à ces réalisateurs, devenus célèbres du jour au lendemain, les pleins pouvoirs. Ils leur offrirent des budgets élevés et une véritable liberté créatrice. Les réalisateurs, promus nouveaux rois d'Hollywood, en profitèrent pour créer un nouvel Hollywood. Ils furent rejoint par de plus jeunes cinéastes, souvent issus des écoles de cinéma : Steven Spielberg, George Lucas, Brian De Palma, Martin Scorsese...

Hélas, l'euphorie ne dura qu'une petite décennie. Les réalisateurs rois se sont crus géniaux parce qu'ils avaient réussi un ou deux films et le succès leur monta à la tête. L'abus d'alcool et de toutes sortes de drogues, les rendit mégalomanes, capricieux, paranoïaques, tyranniques ou agressifs si bien qu'ils furent vite haïs de tous leurs collaborateurs. Abandonnés à la tête de projets souvent pharaoniques, ils connurent alors l'échec. Et comme ils n'ont jamais eu grand chose à dire, le public se lassa et les abandonna.

Seuls deux d'entre eux (Spielberg et Lucas) triomphèrent mais pour cela ils trahirent la cause et leurs amis. En tournant Les Dents de la mer et La Guerre des étoiles, ils enterrèrent les films adultes de leurs confrères "en infantilisant le public et en renonçant à toute notion d'ironie, toute volonté de prise de conscience, toute réflexion critique et tout sens de l'esthétique". Pour Friedkin, ces deux films ont conduit à une période de régression qui continue toujours aujourd'hui alors que pour Altman ils ont tout simplement tué le cinéma. Car depuis le triomphe de ces deux films, le cinéma est devenu une affaire d'argent : on ne se lance plus sur un projet pour faire un grand film mais pour faire un grand succès. Les studios ne misèrent donc plus que sur les projets qui laissaient espérer d'importants retours sur investissement et toute prise de risque disparut. Ainsi débuta la grande ère de la philosophie de la recette qui marche avec des films à suite ou des concepts réexploités à l'infini. Certains cinéastes du nouvel Hollywood rentrèrent dans le rang, ne faisant plus que des films ordinaires, alors que les "incorruptibles" enchaînèrent les échecs ou mirent un terme à leur carrière.

Le nouvel Hollywood (Easy riders, raging bulls), de Peter Biskind, Le Cherche Midi, 2002, 514 pages, 21 €.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire