samedi 24 avril 2010

Joe Dante et les Gremlins d'Hollywood

En 1999, le Festival international du film de Locarno rendait hommage à Joe Dante. Pour l’occasion, un recueil d’entretiens avec le cinéaste, fut publié, en collaboration avec Les Cahiers du Cinéma, sous le titre Joe Dante et les Gremlins d'Hollywood. Retour sur la carrière chaotique d’un cinéaste imaginatif, passionné et attachant mais peu apprécié des studios hollywoodiens.

Joe Dante est né le 28 novembre 1946 dans le New Jersey (USA). Enfant, il avait l’habitude d’aller voir des séries Z d’horreur et de science-fiction, tous les dimanche. Ces petites productions des années 50 et 60, souvent médiocres, sont la passion de Joe, reconnu comme le grand spécialiste du genre. Et quand il a commencé à faire des films, c’est tout naturellement qu’il s’est lancé dans ce genre de films avec pour seul objectif d’émouvoir les spectateurs de la même manière qu’il fut ému par les œuvres de ses aînés. Il veut donc à tout prix se démarquer du cinéma commercial proposé par les studios depuis la fin des années 70 et qu’il n’hésite jamais à critiquer vivement : « Quand j’étais enfant, aller au cinéma, c’était pour moi comme aller à l’église. Cela correspondait aux mêmes valeurs. Désormais, aller au cinéma, c’est plutôt comme aller faire de la gym, ça ne m’attire pas ».

Joe Dante a débuté sa carrière au cinéma à la New World, la société de production de Roger Corman. Là, il a côtoyé d’autres futurs grands noms du cinéma : Ron Howard, Jonathan Demme ou encore James Cameron. Il y réalisa deux films : Piranha (1978) qui exploite le filon des Dents de la mer, et Le Lycée des cancres (1979), une obscure comédie pour adolescents.

C’est en quittant New World que Joe Dante met en scène son premier projet personnel, Hurlements (1981), un film à la fois drôle et terrifiant, qui remet au goût du jour le thème, alors considéré comme désuet, du loup-garou. Spielberg, qui a apprécié le film, prend alors Dante sous son aile et après lui avoir confié la mise en scène de l’épisode le plus inventif et le plus réussi de La Quatrième dimension : le film (1983), il lui demande de mettre en scène un film d’horreur à petit budget : Gremlins (1984). Joe Dante, bien peu doué pour les films de commande, tournera une version très personnelle du script, transformant le projet en une comédie à grand budget. Ce tour de force ne fut pas du goût du studio et la carrière de Joe se serait sans doute arrêtée là si Gremlins n’avait pas obtenu un énorme succès.

Après un film de science-fiction pour adolescents, Explorers (1985), qui révéla les tout jeunes River Phoenix et Ethan Hawke, Joe Dante se lança dans la préparation d’un film d’espionnage teinté de science-fiction : L’Aventure intérieure (1987). Une fois encore, Joe laissa libre cours à son imagination et le film devint une comédie burlesque, dans laquelle Dennis Quaid est miniaturisé et injecté dans le corps de Martin Short. Le film fut cette fois très mal reçu par le public, même s'il a acquis depuis le statut de film culte, et la liberté créatrice de Joe fut dès lors bridée par ses producteurs. Le film suivant, Les Banlieusards (1989), qui reprend le thème de Fenêtre sur cour d’Hitchcock, en a beaucoup souffert.

Après avoir renoncé à un projet qui lui tenait à cœur (Le Petit homme, qui fut finalement réalisé par son interprète principale, Jodie Foster), Joe Dante tenta de renouer avec le succès en filmant un Gremlins 2 (1990), plus fou encore que le premier. Le public le bouda et c’est donc avec le plus grand mal que Joe parvint à financer son film suivant, le nostalgique Panique sur Florida Beach (1993) qui revient sur l’enfance du cinéaste, son amour pour les nanars fantastiques et la peur d’une guerre atomique. Une fois le film achevé, Joe Dante partit travailler pour la télévision, réalisant deux téléfilms parmi lesquels le très remarqué The Second Civil War (1997) qui s’attaque au cynisme des politiciens et à la façon dont les médias rendent compte de sujets aussi graves que la guerre.

Joe Dante ne pensait plus pouvoir travailler pour le grand écran lorsque Spielberg le recontacta pour mettre en scène Small Soldiers (1998), un film pour enfants censé raconter une guerre entre des jouets avec d’un côté, de bons militaires et de l’autre d’affreux monstres. Mais une fois de plus, Joe n’en fit qu’à sa tête et transforma les bons militaires en de dangereux psychopathes traquant de pauvres monstres apeurés. La chaîne de fast-food Burger King, partenaire du film, fut épouvantée en découvrant ce que Joe avait fait du projet. Elle voulut tout arrêter mais les figurines qu’elle devait distribuer dans ses restaurants étant déjà fabriquées, elle se contenta d’ordonner à Spielberg de couper les scènes les plus violentes du film de manière à ce qu’il ne soit pas interdit aux mineurs.

Depuis, le fantasque et anticonformiste Joe Dante a disparu de la circulation mais il revient enfin avec Looney Tunes, un film mêlant prises de vue réelles et animation. On attend cette œuvre avec d'autant plus d'impatience que le cinéaste est un féru de dessins animés, genre qui lui permettra sans doute de laisser libre cours à son imagination débridée.

Joe Dante et les Gremlins d’Hollywood
, Les Cahiers du cinéma & le Festival international du film de Locarno, 1999, 255 pages, 21,8 €.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire